Vit et travaille à Paris.

(texte version longue)
Ma recherche, qui est avant tout picturale, s’articule autour d’une question plastique aux ramifications historiques et sociales : comment donner à voir, à sentir le changement, ainsi que l’incertitude et le transitoire qui l’accompagnent, dans une œuvre immobile ?
Quand elle est figurative, ma peinture s’appuie en grande partie sur l’appropriation et la collecte d’images trouvées sur les réseaux sociaux, des screenshots de vidéos numériques réalisées par d’autres que moi, ainsi que sur des objets standards, banals donc populaires, qui sont la plupart du temps déjà présents dans mon environnement, comme donnés. Quand ma peinture est abstraite, elle s’ancre dans sa matérialité propre et celle de mon corps occupé par elle, puis dans celle des objets sur lesquels elle déborde. Enfin, il m’arrive de la mêler à la figuration, jusqu’à ce que l’une et l’autre se soutiennent.
Dès la collecte des screenshots et jusqu’à l’œuvre montrée, le mouvement oriente mon regard et parfois même, suspendu, saute aux yeux, car sa mise à l’arrêt et son impossibilité m’intéressent autant que lui. Viennent ensuite des actions d’hybridation ou de transposition d’un médium à un autre, qui figent la sensation de la transformation et du temps qui passe — sa gravité comme sa fraîcheur, ses disparitions, deuils et renouvellements — ou celle, plus ténue, de la variation et de la transition (abstraite, musicale).
Cette recherche plastique, influencée notamment par mes expériences de mobilité sociale, contient les traces d’un intérêt persistant pour les rapports sociaux de domination, tels que le genre ou la classe (pour ne citer qu’eux). Des éléments autobiographiques la ponctuent régulièrement, indices d’une expérience personnelle de la féminité, de la masculinité, des frontières, de l’impuissance, du productivisme, etc.
La peinture se tient au bord des histoires, de la narration. Elle se contente d’évoquer leur possibilité. On ne voit donc ici que des portraits troublés, des hommes qui n’en finissent pas de tomber ; des individus déterminés qui se trouvent aux prises avec un environnement, une matérialité, qui leur échappe – incertaine, indéterminée, néanmoins présente et comme sur le point de les happer, de les emporter, ou au contraire qui perdrait sa consistance, les fuirait, les laisserait dans le vide, avec pour seuls repères quelques objets du quotidien, des détails naïfs.
Une autre pratique apparaît ça et là, au fil des travaux : l’écriture. J’ai débuté cette activité par l’utilisation de screenshots sous-titrées et je l’ai continuée, intensifiée avec la rédaction d’un roman qui se confond parfois avec la poésie, au sein duquel la narration se dérobe et se dédouble. Je mobilise depuis, de temps en temps, une écriture conditionnée par les rares espaces – éclats de diégèse – que je lui réserve (la carte de visite et les coordonnées, le titre des œuvres, le nom propre).


(texte version courte)
Ma recherche artistique allie une réflexion féministe et queer sur les images et leur appropriation à une peinture susceptible de tomber dans l'abstraction, de déborder sur d'autres objets. Je porte une attention soutenue aux rapports sociaux de domination qui constituent notre société (tels que le genre, la classe, ou encore l'hétéronormativité, pour ne citer qu'eux) et c'est notamment à partir d'eux, de mes propres expériences de mobilité (et d'immobilité) sociale, de puissance (et d'impuissance) que je peins.
Ma pratique picturale est à la fois le moyen que je privilégie pour montrer, articuler, transposer et transformer les images que je souhaite représenter, que je sélectionne souvent dans des vidéos, mais aussi un medium à part entière dont j'essaie de conserver l'autonomie, même quand il est mis en rapport avec des images autres, presque subordonné à elles. Il arrive aussi que j’enveloppe des objets usuels de peinture, les dégageant ainsi de leur banalité et de leur rôle, de l’usage que l’on aurait pu en faire et qu’ils continuent d’évoquer. Cette exploration plastique, très ancrée dans la peinture, est paradoxalement guidée par le mouvement (et l'immobilité), des notions temporelles telles que la transition, la variation, mais aussi la narration (et son impossibilité).